Choses vues 2 (11/2020-)

Cette page est la suite de celle-ci, où je portais les films vus depuis un moment, mais elle devenait lourde à mettre à jour, d’où cette nouvelle page, qui reprend juste novembre 2020.

Je mets “vu”, même lorsque ce devrait être ” vu à nouveau “. Comme j’écris en empilant sur le dessus les nouveaux titres que je vois, cette page est à lire de bas en haut. ;p

Appel au peuple

Je cherche le titre des films suivants :

  • vraisemblablement neo-réalisme italien, en n&b je pense. L’histoire est celle d’un couple qui séquestre élégamment un jeune homme dans un appartement en centre ville d’une cité assez importante.
  • Un film genre Lars Von Trier ou Aki Kaurismäki. Une bande de trentenaires suédois payent à leur pote, pour son anniversaire une virée dans un bordel letton, de l’autre côté du bras de mer.
  • film italien (possiblement néo-réalisme) se passe dans les années 50, où une sorte de playboy en cavale trouve refuge chez une vendeuse qui arrondit ses fins de mois en vendant ses charmes, ou l’inverse.  La police finit par le coincer, tandis que ça tourne au vinaigre entre eux… je finis par me demander si ce n’est pas la fin des Amants Diaboliques. Mais le couple que je cherche est plus jeune.
  • Un autre film italien aussi, mais plus récent, c’est l’histoire d’un couple où l’homme et la femme, exploités par le système productiviste ne font que se croiser parce que l’un des deux a un boulot de nuit.

Mai 2021

J’ai voulu revoir L’état des choses de Wim Wenders, au départ à cause de ces vues sur le bord de mer, pour nourrir ma réflexion sur une vidéo à venir avec citation d’un passage de A Rebours. Et puis j’avais envie de le revoir, ” d’y retourner” j’allais dire, de retourner dans ce moment.

Je n’ai pas été déçu, j’ai pris le film en pleine face, encore plus fort que la première fois. Et ce n’est peut-être pas un hasard si certaines lumières ressemblent à la nuit de la fin de Vivement Dimanche !. L’unique sujet du film est d’ailleurs énoncé, fort péniblement par Friedrich dans le mobile home, quand Gordon hurle la chanson Hollywood pour couvrir son discours.

Friedrich dit qu’il a essayé de faire un film dont le squelette était une histoire : c’était “facile”, il passait de plan en plan, mais plus il filmait cette histoire qui “prenait vie”, plus la vie s’enfuyait de l’entreprise. Il se demande alors si on peut se passer d’histoire, si le film “peut tenir debout grâce à l’espace entre les personnages”, sorte de lieu pictural aristotélicien, l’espace du tableau.

Et, là il omet de le mentionner, grâce à une esthétique, qui sera ici le parti pris des formes données par les ombres et les lumières, espace travaillé en noir et blanc, nécessairement.

Ou aussi bien obtenues par, son équivalent dans Les Survivants (le film de science-fiction du début) par cette nuit américaine sepia.

J’ai lu les explications sur les circonstances historiques du tournage, lesquelles soutiennent l’opposition Europe/USA dans le film. Qui récusent, du côté US, l’emploi du N&B comme outil esthétique. C’est tout à fait possible, on sait ma position là-dessus.

Avril 2021

Vient de me revenir en mémoire une scène de la partie finale de Vivement Dimanche ! de François Truffaut, où Fanny Ardant, mettant ses pas dans ceux de l’épouse assassinée de son patron, est amenée à réaliser que cette dernière côtoyait le milieu des bars et des courses.

Cela m’est revenu dans une splendeur de bijou noir et argent, magnifique.

Mars 2021

Vu Le Démon de la Chair (The Strange Woman) de Edgar George Ulmer. Film trop ambitieux quant au nombre de thèmes traités : autour du thème central de la femme manipulatrice (en vue du pouvoir) se greffent une satire sociale et morale (l’alcoolisme…), une réflexion sur le mariage et la fidélité, la concurrence féminine etc. Certes, l’intrigue les articule bien, puisque, in fine, si Jenny veut le pouvoir, c’est pour faire fermer les tavernes qui ont ruiné la vie de son père. Mais pas que.

Ensuite il y a l’histoire des émeutes, liée à celle des tavernes, qui permet d’articuler le bûcheront et la femme fatale, mais bon, ça commence à faire beaucoup.

Mais bon, l’actrice principale (Hedy Lamarr) sauve le film.

Février 2021

Vu des extraits de tournage (Le dîner de cons de Veber…) et des entrevues de Marcello Mastroianni, et puis … un film où le héros, de retour de la guerre, trouve sa femme en couple avec le chef du casino de la ville. A la fin, c’est le détective du motel à bungalows qui est trouvé coupable du meurtre de la fille. Mais je mélange tout, parce que je me souviens aussi de scènes où ce héros naïf est amoureux de la fiancée du parrain de la mafia locale…

Janvier 2021

Vu Traqué dans la Ville de Pietro Germi. L’impeccable déroulement de l’excellente intrigue permet de faire passer en douceur le message, c’est un régal. Plus poignante d’un degré, la peinture sociale est du côté du voleur de bicyclette et du mendiant de Mama Roma, plus que du côté de la simple description que serait Le Soleil dans les Yeux.

Décembre 2020

Vu Garde à Vue de Claude Miller. Toujours avec plaisir. J’ai noté cette fois-ci que la charnière du film est en fait la réplique de Chantal Martinaud : “Il n’avait pas le droit de la faire sourire comme ça”. J’y reviendrai à l’occasion.

Vu Du Soleil dans les Yeux (1) d’Antonio Pietrangeli. M’a évidemment rappelé le Voleur de bicyclette, et autres, dans le genre catalogue des codes du néo-réalisme et vie du petit peuple romain (on notera les réflexions sur l’architecture ;). Il a réalisé Adua et ses compagnes, trempé dans La Terra Trema et les Amants Diaboliques (cf. Choses Vues 1 pour tous trois), donc rien d’étonnant à cela.

Que manque-t-il à ce film pour être un Visconti ? En voilà un bien beau mystère. On peut donner le change en répondant que c’est ce qui manque à Pietrangeli pour être Visconti. Soit dit sans aucune méchanceté. Certains sont des pommiers, d’autres des platanes, d’autres des chênes, c’est comme ça.

(1) Je ne sais pas pourquoi cela a été traduit par “du” soleil dans les yeux, et non “le” comme le suggère Il sole negli occhi… Pourquoi aller chercher ce “du” alors qu’on a l’équivalent exact sous la main ? Cela reste un mystère pour moi, ce genre de comportement délictueux.

Vu Jules et Jim de François Truffaut. Porté par la sublime Jeanne Moreau, qui essaye selon ce qu’en dira Jim, de “réinventer l’amour”, avec le succès que l’on sait, ce qui laisse libre choix au spectateur. Quand bien même les femmes réinventeraient l’amour, ce ne serait toujours pas le même que celui que ne réinventeront pas les hommes.

Vu Oslo, 31 août de Joachim Trier. De l’aveu même de Trier, c’est une sorte de reprise du Feu Follet de Louis Malle avec Maurice Ronet, et c’est tout à fait ça. Manquent bien sûr l’élégance du comédien, et Paris, mais il fait ce qu’il peut et Oslo fait l’affaire. Disons qu’il le fait sans ostentation, ce qui est déjà pas mal.

Grâce à la Cinémathèque Française, j’ai vu Rukus et Tired Moonlight, j’en parle ici.

Rukus et la Lune

Novembre 2020

Grâce à la Cinémathèque Française, j’ai vu Neighborhood Food Drive, de Jerzy Rose

(Le lien du film sera sans doute cassé, il s’agit du festival American Fringe)
Neighborhood Food Drive
Jerzy Rose
États-Unis / 2016 / 1:25:41

Avec Lyra Hill, Bruce Bundy, Ruby McCollister, Marcos Barnes.

Finalement j’en ai fait un article que j’ai mis ici et .

Vu La Chinoise de Godard. Il faut avoir vécu la période pour apprécier la justesse de ce kaleïdoscope (1), montage effronté autant qu’effréné de morceaux choisis des attitudes et des discours de mai 68.

On se retrouve comme madeleinesquement replongé dans cette effervescence sans but, dans ces interminables débats sans fondements ni structures, qui rappellent le ressac dans les rochers au pied des falaises. La mise en contact des jeunes cerveaux avec l’alcool fort de la culture a donné cette nuit d’ivresse, où le canard sans tête courait à travers les rues désertes des villes, collant à la lueur des lampadaires de la quiétude bourgeoise d’après-guerre et des feux de bengale des CRS les affiches d’une logorrhée psychotique d’un peuple qui se découvrait dans le vertige de débattre, jouant au révolutionnaire dans les décors de la Russie du siècle précédent.

Avant de rentrer prendre le petit déjeuner, comme il le montre bien, dans le bel appartement de leurs parents où la bonne sert le thé.

Laquelle, transformée en bête de cirque, sert aussi le refrain mécanique (“révisionniste”), fonds sonore choisi par les enfants de ses patrons, symbole d’autant de réflexes et de tics, slogans remplaçant l’argument quand l’idéologie remplace la philosophie. La philo a disparu, et La Chinoise est le chant du cygne grotesque de cette disparition, le petit grelot aigre des boîtes à musiques métalliques.

Le canard est hélas bien mort. Le consumérisme est passé par là, et son bulldozer a bétonné toutes les fleurs de pensée sous une dalle lisse de parking de centre commercial où la seule attente est désormais celle du prochain joujou électronique inutile.

Connerie pour connerie, année zéro des drones de livraison et de surveillance des mouvements d’une foule toujours emmenée par la houle de son aliénation 🙂

(1) Dans une entrevue, M. Semeniako dit que ses amis maoïstes ont à l’époque qualfié le film de “caricature delirante”.C’est exactement ce qui en fait le charme

Grâce à la Cinémathèque Française, j’ai vu A Great Lamp https://www.cinematheque.fr/henri/film/142159-a-great-lamp-saad-qureshi-2019/

Saad Qureshi. États-Unis / 2019 / 1:18:34 / VO avec sous-titres français en option Avec Steven Maier, Spencer Bang, Netta Green, Max Wilde.

Et c’était bien.

Grâce à la Cinémathèque Française, j’ai vu 195 Lewis, et ouais, bon… C’est vraiment cool d’être une lesbienne noire, mais ça ne garantit pas le résultat. On peut mettre au bout “jeune artiste à Brooklyn”, c’est encore plus cool, mais ça ne fait toujours pas forcément un film.

Grâce à la Cinémathèque Française, j’ai vu Green House, d’Armando Lamberti (Le lien du film sera sans doute cassé, il s’agit du festival American Fringe)

https://www.cinematheque.fr/henri/#american-fringe

Le commentaire convoque Lynch, Jarmusch, Kaurismaki, c’est ridicule, mais malgré ses plans “tuto Youtube” et son montage inutilement inventif, il y a de vraies trouvailles, brillamment servies par Brian May. L’histoire de la répétition du restaurant, même si deux fois auraient suffi, etc. En coupant tout ce qui est inutile, on arriverait à 20 minutes, ce qui permettrait de développer d’autres aspects. Toutes les parties avec les gouines et les colocs sont inutiles : avec ce qu’on connaît du personnage, on sait qu’il va réagir comme ça. L’homme en noir est ridicule, et la paranoïa en général est mal gérée. Mais bon, ça se laisse voir.

Vu Le cuisinier, le voleur, sa femme et son amant, de Peter Greenaway. Ce film met la conscience du spectateur à rude épreuve puisque ce dernier doit statuer in fine sur la catégorie à laquelle le film appartient.
Précisons d’abord qu’une oeuvre d’art n’a pas besoin d’un visa de valeur pour exister en tant qu’oeuvre d’art, comme un numéro de dossier a besoin d’un visa de censure pour exister en tant que film distribué et programmé sur les écrans.

Il reste à lui accorder le bénéfice du doute. Si on qualifie de “porno-chic” une oeuvre qui se pare de guirlandes intellectuelles ou esthétiques comme caution pour finalement montrer du cul, alors on pourrait qualifier de “scato-chic” un film qui, au prétexte de circonvolutions intellectuelles et esthétiques, ne fait in fine qu’infliger au spectateur un déluge de violence et de saletés.

“Esthétiques”, on ne peut le nier. C’est recherché, c’est chiadé, et de façon plus voyante que d’autres à l’esthétique plus discrète (The pillow book, Drowning by numbers…) et tout aussi efficace, mais moins que la magnifique Tempête. On se paye Gaultier aux costumes, bref on ne lésine pas sur les moyens. Mais on peut retourner l’argument en disant que c’est assez convenu, rien de bien génial.

“Intellectuelles”, on retrouve les couples nourritures terrestres/spirituelles, le rustre/le raffiné, la parodie du film de gangsters, avec le chef, gros salaud vulgaire violent bafoué au cœur tendre, et sa bande de tueurs stupides… Mais on peut retourner l’argument en disant que le couple niais …

In fine, pourquoi Greenaway aurait-il envie d’infliger une telle punition à son spectateur ? Pour lui dire : “Finalement, Albert c’est toi” ? Pour dire “La société s’occupe des camions de poissons pourris et pas des femmes battues, elle est aux mains de la violence et de l’argent ” ?

Pour lui dire : “Finalement, Michael, c’est toi” ? Pour dire “Tu rêves de séduire leurs femmes en prenant des poses au resto avec ton bouquin ” ?

Les commentaires sur “le plus intello-esthétisant de nos réalisateurs ” (sic) ne m’apportent guère, sinon que ” visuellement c’est juste saisissant, la technique est orgasmique de par la virtuosité des plans et des mouvements de caméra”, là j’avoue c’est une dimension qui m’échappe totalement. On me dira qu’être sourd à la mise en scène, pour quelqu’un qui prétend parler de cinéma… Ben oui, c’est comme ça.

Ou alors une façon de dire : “Ce dîner des officiers de la garde que vous admirez comme du ‘classique’, voilà ce que c’était en réalité à l’époque. Des dominants corrompus par la violence, la puissance, et les richesses sur lesquelles leur position permettaient de faire main basse. Des rustres qui descendaient aux meilleures auberges de la ville pour y razzier les filles et bafouer les maris” ?

Vu La vie d’Adèle H. de François Truffaut. Je regrette de le dire, parce que le joli visage d’Isabelle Adjani eût dû suffire à me tenir éveillée, mais je me suis endormie devant.

Vu Breaking the Waves de Lars von Trier, dont j’avais déjà aimé le Dogville. C’est marrant, je trouve une continuité avec Ingmar Bergman, et avec … La continuité, elle est, si on admet que le film est “sombre”, dans la couleur de l’obscurité. Et puis j’aime que l’admirable, époustouflante de virtuosité, interprétation du personnage de Bess le tire vers le grotesque, ça en marque l’humour.

Vu La Griffe du Passé, du même Jacques Tourneur. Tout a été dit de ce film très fort. C’est autre chose que La Féline. Dans quelle mesure est-ce dû au film lui-même, dans quelle mesure à la présence de Mitchum et Douglas ? Mystère…

Vu La Féline, de Jacques Tourneur. Oui, bon, disons que c’est un film américain. Je le rapproche de ces Hitchcock où perce une volonté de mettre en scène des intuitions psychanalytiques. Ou d’illustrer quelques contes sur la psychologie féminine, du genre “La jalousie est une blessure qui réveille la panthère qui sommeille en chaque femme” …

Vu Les Ailes du Désir de Wim Wenders, je me demande si la dernière fois, ce n’était pas pour le lancement de Canal+ … J’attendais le chef-d’oeuvre, c’est peut-être cela qui me l’a fait trouver un peu long par endroits, cette belle chose. “Longue” ? Ah ah…

Vu Hannah Arendt de Margarethe Von Trotta. J’attendais un biopic, et c’est focalisé sur le procès Eichmann et sa relation avec Heidegger, mais bon, vu ce que je connais d’Hannah Arendt, tout est bon à prendre.

(1) On pourrait presque tenter un néologisme genre “contre-discours” pour désigner des propos qui se trahissent par ce ton affecté qui se régale de faire sentir qu’il dit exactement le contraire de ce qu’il pense, et te fait savoir qu’il ne cherche qu’à te manipuler, et son succès ne sera que plus grand s’il t’en informe au préalable.

A creuser :

  • Chris Marker
  • Jean Vigo /fait à refaire
  • Alberto CAVALCANTI
  • Nathalie Granger
  • Revoir Muriel (film vers Caen bombardée)

A retrouver :

Films américains :

Plus dure sera la chute. (Boxeur, avec Bogart)

Un autre Bogart dans lequel il se réfugie dans une cabane en montagne.

(industriel reconverti, avec Newman)

A l’est d’Éden

Celui par qui le scandale arrive

Films à sketches italiens :